Histoire d’un changement
dans l’accompagnement des jeunes citoyens

Tout d’abord il y eu la rencontre avec le député de la circonscription. Un coup de téléphone, un rendez-vous pris avec son assistant parlementaire pour le jeudi suivant à sa permanence locale. Une demi-heure pour présenter notre structure, son projet et demander au député comment il peut nous aider. Il nous parle alors du directeur de la mission locale, qu’il décrit comme un homme formidable et nous dit que nous devrions le rencontrer

Dès le lendemain, rendez-vous est pris avec ce dernier. La rencontre se fait dans son bureau autour d’un café. Très rapidement nous comprenons pourquoi le député nous a adressé à lui. Nous partageons les mêmes valeurs, les mêmes références, la même approche des jeunes caractérisée par la confiance dans leur potentiel, la reconnaissance de la singularité et de la richesse de chaque parcours, la même conviction qu’accompagner ce n’est pas seulement prescrire ou conseiller, c’est marcher avec et travailler main dans la main à co construire leur parcours.

C’est le début d’une collaboration avec la mission locale qui commence par la participation régulière de jeunes de la mission locale à nos semaines d’initiation à la citoyenneté et se poursuit par des projets de plus grande ampleur impliquant jusqu’à missions locales du territoire et jusqu’à une cinquantaine de jeunes.

Nous commençons à être connus et reconnus par un nombre de plus en plus important de conseiller au sein de la structure et notre participation à l’accompagnement des jeunes de la mission locale se développe dans la confiance et le partage, ce qui se traduit par notre participation de plus en plus en amont sur les projets.

Nous développons parallèlement notre formation à « l’accompagnement des jeunes de citoyen à citoyen pour les conseillers de mission locale ». Bien évidemment la mission locale fait partie de nos partenaires dès la conception de la formation. Cette collaboration se révèle encore fructueuse et riche d’enseignement et nous permet d’ajuster la progression pédagogique et le contenu de la formation avant de présenter la formation à l’UNML et aux autres missions locales en décembre 2018.

C’est en juillet 2019, que le directeur, convaincu par notre approche de l’accompagnement des jeunes nous demande de former l’ensemble du personnel de la mission locale à notre pratique.

Nous concevons la formation comme un voyage (une croisière en l’occurrence puisque nous embarquons le premier jour sur une péniche au fil du fleuve et de ses berges) emmenant l’ensemble de l’équipe autour de son capitaine et de l’équipe de direction à la redécouverte des jeunes et du territoire. L’idée est de se décaler, de changer de point de vue sur ces jeunes et ce territoire, de réinterroger la pratique de l’accompagnent et de le faire ensemble en débattant et en partageant expérience et point de vue.

La formation révèle tout d’abord des approches très différentiés entre les participants expliquant les difficultés rencontrées aux quotidiens dans la mise en œuvre de projet, le suivi des jeunes, la restitution cohérente de ce suivi sur I-milo, mais la capacité à débattre et fonctionner collectivement pour produire des solutions se révèle très vite, insufflant une énergie nouvelle au sein de l’équipe. En janvier 2020, lors d’une journée impliquant le président de la mission locale et l’ensemble des salariés 7 thématiques émergent comme pistes de travail pour la progression au sein de la structure et une feuille de route est définie pour le prolongement de notre action sur un rythme mensuel sur la période 2020-2021. Les 7 thématiques sont les suivantes :

1. Développer une nouvelle approche des ressources territoriales
2. Mieux définir et mettre en œuvre la notion de référence au sein de la mission locale,
3. Travailler en collectif sur l’accueil (des jeunes, des collègues, des partenaires),
4. Réinvestir les instances de représentation,
5. Construire une démarche d’accompagnement des nouveaux salariés comme modèles de l’accompagnement des jeunes, dans une relation de citoyen à citoyen,
6. Retravailler les indicateurs (ceux intégrés dans i-milo et ceux qui permettent de suivre l’évolution du jeune même lorsque son parcours n’aboutit pas directement à un retour en formation ou en emploi),
7. Organiser des temps pour échanger et partager qui soient pertinent et permettent d’améliorer la collaboration autour des jeunes et la fluidité de l’accompagnement.

Dès le mois de juin 2020, et malgré la crise du COVID19 qui impose le télétravail et la distanciation nous mettons en œuvre un groupe de travail permanent d’une quinzaine de salariés volontaires (conseillers, agents d’accueil, responsables d’antenne) qui va travailler en priorité sur la cinquième thématique « Accompagner l’accompagnant » qui apparait comme la colonne vertébrale de ce projet de transformation.

Au fur et à mesure des rencontres, c’est une nouvelle forme de relation entre collègue qui se développe, facilitant l’intégration des nouveaux salariés qui sont inviter dès intégration dans la structure à participer au groupe et à questionner la pratique des anciens. Les évidences sont déconstruites et la créativité se développe. Chaque séance est prise en note et le compte rendu est diffusé vers chacun. Une plateforme collaborative est mise en place permettant à chacun de nourrir la réflexion entre chaque réunion qui se font selon les conditions sanitaires imposées par le gouvernement en présentiel ou en visioconférence.

Du côté de la direction de la mission locale, c’est la perspective de la rédaction d’un projet associatif qui se fait jour. Partir du travail collectif des salariés, pour définir ce qu’est aujourd’hui, 40ans après la création des missions locales par Bertrand Schwartz, l’accompagnement des jeunes dans leur parcours d’insertion. Qu’elle place pour la mission locale en tant qu’assembleur des énergies et des ressources d’un territoire ? Comment mieux prendre en compte dans le processus d’accompagnement l’évolution des jeunes et de la société depuis la création des missions locales ? Comment toucher des jeunes qui se marginalisent plus jeunes à la suite d’une sortie du système scolaire et pour lesquels la mission locale peut être le seul lien avec les institutions et la société.

Ce travail mené conjointement avec l’équipe de direction de la mission locale et les salariés aboutit aujourd’hui à une nouvelle étape. Après la définition d’une première feuille de route en janvier 2020, nous en sommes, un peu plus d’un an après, à la phase de développement. Un noyau dur de salariés engagés dans le projet depuis un an est constitué, intégrant des responsables d’antenne, des salariés expérimentés et d’autres intégrés plus récemment dans l’équipe. Ce groupe racine a pu présenter à l’ensemble de leurs collègues et au Conseil d’Administration de la mission locale les grandes lignes de la transformation en profondeur pensée collectivement et qui passe par :

• Une nouvelle conception du tutorat et de l’intégration des nouveaux salariés,
• Une meilleure intégration dans le cadre de leur travail de leur rôle de professionnel/citoyen conscients de la place très spécifique des missions locales. :
  • Association locale ancrée dans un territoire porteur de problèmes mais aussi de ressources propres
  • Acteur essentiel de la mise en œuvre des politiques publiques destinées aux jeunes qu’elle doit adapter à la sociologie spécifique des jeunes de son territoire
  • Premier organe permettant de mesurer l’effet de ses politiques sur ces mêmes jeunes et de les faire remonter vers l’Etat,
  • Souvent premier point de rencontre des jeunes avec le Service public mais aussi et surtout avec des adultes avec qui ils doivent pouvoir échanger sur la globalité des sujets qui les préoccupent pour trouver leur place en tant que citoyen dans notre société.
• Une meilleure compréhension de l’utilisation et des enjeux des outils numériques
• Une plus grande conscience de l’appartenance à un réseau structuré de professionnels au service de l’insertion des jeunes et des enjeux politiques (au sens noble du terme) de cette insertion.